Le Cambodge

Vue l’heure tardive de notre passage à la douane, nous passons la nuit dans un parking d'hôtel gardé car la ville frontière de Poïpet a une réputation de «coupe gorge» et à longtemps été connue comme la pire du pays!


traffic incessant de marchandises
 tractées à la main sur des charrettes improbables 
entre la Thaïlande et le Cambodge

Le matin nous nous offrons quand même le luxe d’un petit déjeuné avec de la baguette trouvée chez les petits vendeurs ambulants: le passé français du Cambodge (protectorat de 1863 à 1953) se fait déjà sentir!

Nous prenons la route pour Sisophon dans la province de Banteay Meanchey, et déjà nous éprouvons un sentiment fort pour ce pays, confirmé par les nombreuses et riches rencontres que nous allons rapidement faire. 

Première rencontre: Trip qui nous a guidé à la frontière pour les formalités, nous a parlé de l’ONG française «Enfants du Mékong» dans laquelle il a grandi. 

A Sisophon à 1 heure de route, nous y sommes accueillis par Augustin en contrat VSI depuis 1 an. Il nous fait visiter les foyers (dans lesquels une centaine d’enfants et adolescents vivent gaiement dans un environnement très beau), la bibliothèque et les classes de soutien scolaire. L’ONG a pris le parti de financer pour les plus défavorisés, ces cours dispensés par les mêmes instituteurs qui, sous payés par l’état dans le cadre de l’école publique, n’assurent que partiellement et sans conviction leur cours. 





Nous rencontrons aussi Martin, le directeur Cambodge (l’ONG est implantée dans 6 autres pays d’Asie) qui semble être le garant de toute cette bonne ambiance de «colonie de vacances», et son travail formidable depuis 1997 semble avoir fait de l’ONG une référence en matière de prise en charge des enfants défavorisés dans le pays. 
Le parrainage d’un enfants pour 24 euros par mois lui permet de grandir en sécurité, d’être logé et nourri, d’avoir une scolarité sérieuse, voire de suivre des études. 

Nous apprenons rapidement beaucoup sur le pays, les khmers, l’ Histoire, ses relations avec les très nombreuses ONG





Après une nuit dans le beau jardin et une matinée de travail scolaire comme les enfants qui nous entourent, nous reprenons la route pour Battambang au sud. 
Les premiers km nous donnent un petit aperçu de ce qu’est une «bonne» route au Cambodge...ça promet!!!


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Autre lieu, autre ambiance!
Battambang, deuxième ville du pays, mêle la douceur de vivre d’une bourgade à l’architecture coloniale, et une certaine modernité liée à la présence de quelques centaines d’anglophones et français travaillant pour la plupart dans les nombreuses ONG du pays. 

Nous y rencontrons Patrice qui a ouvert «Le Madison Corner», bar/resto au coin d’une rue dans un quartier animé, où aiment se retrouver la quarantaine «d’expats» français travaillant en bonne partie à l’école de cirque de Battambang (Le Phare). Nous assistons d’ailleurs à un impressionnant spectacle d’acrobates réalisés par des jeunes défavorisés. 
Pour la petite histoire, quelque uns d’entre eux poursuivent une carrière à l’école de cirque de Montréal.


Instagram au Madison Corner




Le lendemain, c’est d’une dizaine de belles jeunes filles de 14 à 17 ans, venues de Madagascar  (La Batucada) qui nous offrent un concert tonique de percussions dans la rue. Elles sont encadrées par un français ayant vécu aussi au Cambodge. L’association s’appelle Coconut Water



Un ami de Patrice et sa femme cambodgienne nous accueillent à la campagne pour 2 nuits dans le jardin de leur bel hôtel (Le Battambang Resort). Un bain dans la piscine (grand luxe!) permet de se remettre un peu de la chaleur.
Il fait en effet entre 33 et 37 degrés dans le camion le soir. La température descend à 28° en fin de nuit. On boit  des litres et des litres d’eau et on mouille les chemises. Mais côté santé tout le monde va très bien, aucun problème depuis le début du voyage en dehors de l’angine de François en Turquie! nos intestins sont blindés grâce finalement à des précautions certes mais....peu rigoureuses! Même pas une petite tourista! Et les moustiques semblent se désintéresser de nous petit à petit. Par contre des centaines de minuscules moucherons passent entre les mailles de nos moustiquaires de fenêtres et nous chatouillent de partout dès la nuit tombée! 



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Après la ville et sa vie culturelle... la campagne, la piste et la poussière! Direction nord, vers le temple de Banteay Chhmar. Au total, 140 km parcourus en 3 jours et 7 heures de «route», soit une moyenne de ... km/h?! Ambiance rallye à bord, sur la piste en constants travaux de surélévation car régulièrement détruite pendant la saison des pluies. La Cabane en Cavale est bien malmenée, passe parfois tout juste dans les ornières ou le sable mou mais finalement passe et sans aucun dommages. 





Le premier soir, nous découvrons un village khmer à Thmar Puok (90% de la population est rurale), où règne une ambiance poussiéreuse de far west. Les maisons en bois sur pilotis sont très sommaires pour la plupart. 



La culture du manioc, est largement prédominante et tout le monde ici semble en vivre durant la période sèche. 




A Beantay Chhmar, village poussiéreux qui nous semble au bout du monde, nous continuons nos découvertes! 
Tout d’abord: les «soieries du Mékong» une entreprise solidaire qui a permis après les années post khmers rouges de sauvegarder l’art du tissage de la soie et à des dizaines de tisserandes de gagner décemment leur vie. Les 3 jeunes français(e) qui gèrent l’entreprise sur place et s’appliquent à faire produire des étoffes de haute qualité vendues en Europe nous invitent à garer le camion dans la cour pour la nuit. 




Au petit matin, nous mesurons la chance que nous avons d’être seuls à jouer à Indiana Jones dans les ruines du temple. 




Nous passons aussi plusieurs heures d'échanges avec Catherine et Robert Robeyns, un jeune couple belge, responsables d'un établissement "Enfants du Mékong".



Au soir du deuxième jour, nous nous sentons bien loin du monde «sécurisé», mais préférons continuer car la piste est annoncée meilleure jusque Samruong, et à défaut d'eau courante, nous remplissons nos réservoirs avec l'eau un peu douteuse des douves du temple! 


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Un marché sur la route


Si nous sommes parvenus dans une des régions les plus reculées, en pays khmers rouges, nous avons l'impression de voler toute la journée le long de la frontière thaïlandaise sur une route déserte construite récemment pour des raisons militaires, la fin des tensions entre les deux pays étant très récente. D'ailleurs, notre destination du jour, le temple Preah Vihear perché sur un promontoire sur la frontière était encore le théâtre de violents affrontements en 2011, les deux parties en revendiquant la propriété depuis des siècles. 
La visite du temple est d'autant plus forte que nous y accédons en moto par une route très raide, en fin d'après midi, presque seuls dans le plus grand silence, et découvrons l'immensité de la plaine dans la brume de chaleur 600m plus bas.





Et Angkor, nous direz vous! ... On y vient! Ira... Ira pas!? Depuis notre arrivée en thailande, la question se posait réellement et les avis des personnes rencontrées étaient divergentes. Entre l'étonnante fréquentation touristique et le détournement présumé des droits d'entrées d'un côté, et l'émotion ressentie par d'autres devant la splendeur de ces temples, notre cœur balançait! Finalement, nous ne visiterons que deux des principaux (Angkor Vat et Ta Prohm), en une demi journée, la chaleur ayant raison de notre bonne volonté sans compter la réflexion de Titouan... "les temples, ça me saoule"!





 Le Ta Prohm, dans lequel certaines scènes de Tomb Raider ont été tournées avec Angélina Jolie


Encore un bon bain de foule internationale au cœur de la ville de Siem Reap, une bonne pizza italienne le soir nous permettant de faire un répit dans notre régime "riz, riz, riz", et nous ressentons déjà la nécessité de retrouver le Cambodge tel que nous le vivons depuis le début, dans les campagnes, au contact des cambodgiens. 


Les échanges sont limités à cause de la langue, mais nous  sommes complètement sous le charme des sourires doux et francs de cette population. Les enfants très nombreux sont particulièrement beaux: 40% de la population à moins de 16 ans! Les boites de lait pour bébés rivalisent avec les ... packs de bière dans les petites boutiques de bord de route! 









Les kilomètres défilent (lentement) sans jamais nous lasser car les routes surélevées, sont bordées quasiment sans interruption de maisons en bois sur pilotis et toute la vie du pays semble se concentrer ainsi sur ces axes. Nous serions curieux de revenir au plus fort de la saison des pluies pour découvrir toutes les terres fertiles submergées, avec seules les routes et les maisons émergentes. 



Difficile donc de trouver un coin à l’écart du monde le soir pour le bivouac! Si on s’engage sur une piste latérale, et que nous n’avons pas la chance de trouver un chemin carrossable qui accède aux champs en contrebas, nous recherchons un petit coin de terrain dans les villages et devenons rapidement l’attraction! Nous croisons alors les doigts pour que la police ne vienne pas nous déloger car elle a pour ordre de sécuriser les touristes auprès de leur bureau.  


Nous sommes heureux d’avoir retrouvé nos amis Millet (leszaventureux.com), non loin de Phnom Pehn (à Kampong Cham). Refoulés à la frontière cambodgienne ils ont dû parcourir 3000 km A/R jusqu’à la frontière malaisienne pour régulariser leur situation! 

Nous remontons ensemble les rives du Mékong jusqu’au Laos. Nous trouvons un peu de vent «rafraichissant» au bord de ce très large fleuve dont le niveau se trouve bien à plus de 20m au dessous de la berge en période sèche! Son débit de plusieurs noeuds actuellement doit être impressionnant à la saison des pluies!



pont en bambou à Kompong Cham 
reconstruit à chaque saison sèche






De nos yeux d’occidentaux et au premier abord, la vie ici nous apparait un peu comme une image d’Epinal. Les familles, toutes générations confondues, vivent sous le même toit, sans portes ni barrières. Elles semblent heureuses de vivre ensembles, lentement, sans heurts, une des règle de vie khmer consistant à ne pas froisser son voisin et ne jamais élever la voie pour ne pas «perdre la face». 
Dans un dénuement matériel quasi total (hormis le téléphone portable, la télé et la mobylette pour la plupart d’entre eux), leur richesse provient principalement des récoltes sur les terres fertiles du fleuve. 

 préparation des feuilles de tabac pour le séchage 


Au delà de cette première vision qui nous laisse rêveuse comparée à notre mode de vie occidental, le Cambodge est  plein de contrastes entre la richesse (la corruption est omniprésente) et la pauvreté (qui se mesure au niveau de la scolarisation et de l’accès aux soins), entre son passé glorieux (période angkorienne au 10ème siècle avec ses temples) et la tragédie des années 70 pendant laquelle les Khmers Rouges ont dévasté le pays, entre sa vie traditionnelle essentiellement rurale et l’incontournable mondialisation qui pousse les nouvelles générations à quitter les campagnes pour chercher un mode de vie plus moderne en ville.

La majorité des voyageurs rencontrés est française et c’est ainsi qu’un soir nous nous retrouvons par hasard à 4 camping cars dans l’enceinte d’une pagode de Kratie (4 familles de 3 enfants de 3 à 15 ans!). Ambiance assurée le soir dans le restaurant du coin! 



En remontant vers le nord, à une quinzaine de km de Kratie, nous faisons une étape à Champy au bord du Mékong où reside une colonie de dauphins d'eau douce.




Après des km de pistes, nous sommes heureux de trouver une belle portion de 200km de belle route récente (réalisée par les chinois) pour monter vers la province du Ranatakiri, au nord est du pays, la plus fraiche du pays. A notre arrivée, l'hôtel des Terres Rouges au bord du lac de la ville de Banlung nous offre le luxe d'un bon bain de piscine nocturne. A cause principalement de son enclavement, la région est une des moins développées du Cambodge et ses infrastructures sont très restreintes. 

Hormis la randonnée dans la forêt vierge des parcs nationaux qui couvrent la moitié de la province, une des activités touristiques principales consiste à partir à la rencontre des tribus montagnardes en 4x4, mais nous refusons de participer au développement de ce tourisme "voyeuriste". 

Nous passons donc 3 jours à profiter tout simplement de bonnes baignades rafraichissantes dans le tout proche lac de cratère de Yak Loum. C'est ici que sympathisons avec la famille David (Benoit et Cécile) et leur 3 jeunes enfants, partis aussi un an mais en sac a dos, leur périple les menant de la Mongolie a Singapour. 

En redescendant vers le Mékong, nous retrouvons la chaleur et les nombreux nuages de fumée provenant de la technique rudimentaire d'agriculture sur brûlis, largement répandue dans le pays, qui consiste à défricher des champs par le feu.